CSPE : et si ce n'était pas fini ?
Publication du 9 février 2024
Nouveau message à l'attention des 45 000 entreprises et particuliers qui avaient réclamé le remboursement de la contribution au service public de l'électricité (CSPE) entre 2009 et 2015 mais ne pourront jamais l'obtenir au motif qu'ils n'ont pas porté leur affaire devant les tribunaux…
Dans un récent article, nous avions relevé que le Conseil d'Etat avait été saisi pour avis par le tribunal administratif de Paris, afin de dire si la Commission de régulation de l'énergie était en droit (voire dans l'obligation) d'opposer la prescription quadriennale aux 45 000 entreprises et particuliers qui ont réclamé le remboursement de la contribution au service public de l'électricité acquittée entre 2009 et 2015 et dont les demandes de transaction ont été rejetées au motif que le rejet implicite de leur réclamation initiale n'a jamais été porté devant les tribunaux.
Dans son avis contentieux du 17 octobre 2023 (n° 475983), publié au Lebon, le Conseil d'Etat a été d'avis que les créances en cause se prescrivaient par quatre ans, selon la règle générale prévue par la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l’État. Nous renvoyons à l’une de nos précédentes publications pour une présentation plus approfondie de cet avis.
La position adoptée par le Conseil d’État a pu paraître d’autant plus choquante qu’il est notoire que la prescription quadriennale n’est pas applicable aux créances fiscales. Mais le Conseil d’État a pu s’appuyer sur une particularité décisive de la CSPE : les textes de loi qui la régissaient n’étaient pas codifiés dans le code général des impôts, mais dans le code de l’énergie. Ce qui change tout, cela va sans dire...
La quasi-totalité des réclamations ayant été déposées en fin d’année 2013 ou au cours de l’année 2014, et celles-ci étant restées dans les limbes jusqu’au début de l’année 2021 lorsque la commission de régulation de l’énergie a ouvert au public son site internet permettant d’obtenir « aisément » le remboursement de ces créances, il en résulte que tous les contribuables qui n’avaient pas saisi le tribunal administratif de Paris avant la fin de l’année 2017 ou de l’année 2018 (selon l’année de dépôt de leur réclamation) se sont vu opposer ou se verront opposer la prescription quadriennale : 45000 réclamations, les trois quarts du stock, ont ainsi disparu en un trait de plume.
L’avis contentieux du 17 octobre 2023 est particulièrement convaincant ; les conclusions du rapporteur public, fouillées, le sont davantage encore. Et l’on comprend immédiatement que sur une affaire où, tant par son premier avis contentieux (22 juillet 2015, n° 388853) que par sa question préjudicielle orientée (22 février 2017, n° 399115) ou par sa méthode de calcul si opportunément réductrice des droits des contribuables (3 décembre 2018, n° 399115), le Conseil d’État aura méticuleusement veillé à ne jamais nuire à l’équilibre des finances publiques, le Conseil d’État continuera de ne pas nuire à l’équilibre des finances publiques. Ce qui nous avait conduit à intituler notre précédent article : « CSPE : voilà, c’est fini ». Sujet clos.
Et puis nous y avons repensé ; et nous avons mieux compris ce qu’avait fait le Conseil d’État dans cet avis. Toujours faire tomber du même côté les pièces qui étaient sur la tranche : frustrant, certes, mais comme chacun le sait depuis Romulus et Rémus, utilitas publica praeferenda est privatorum contractibus.
Mais surtout, ne pas poser les questions gênantes, celles qui auraient pu mener à une autre conclusion.
Nous ne disons pas que le Conseil d’État finira par prendre une autre position ; mais nous disons qu’il y a matière à le mettre devant un certain nombre de contradictions, et à tenter de défendre que les créances des contribuables n’ayant pas saisi le tribunal administratif de Paris ne sont pas nécessairement prescrites.
Nous n’avons malheureusement plus la place d’en dire davantage, même en marge, mais il suffit de nous contacter !