Meublés de tourisme et TVA - II

Publication du 17 juillet 2023

A propos de l’avis CE, 5 juillet 2023, n° 471877

En ces temps de vacances, quoi de mieux que d’évoquer les locations de vacances ? Mais sous un angle juridique, bien évidemment !

Le 4° de l’article 261 D du code général des impôts exonère de taxe sur la valeur ajoutée les locations occasionnelles, permanentes ou saisonnières de logements meublés ou garnis à usage d'habitation, sauf à ce que ces locations soient assorties d’au moins trois des prestations suivantes, rendues dans des conditions similaires à celles proposées par les établissements d'hébergement à caractère hôtelier exploités de manière professionnelle : le petit déjeuner, le nettoyage régulier des locaux, la fourniture de linge de maison et la réception, même non personnalisée, de la clientèle. C’est en vertu de ces dispositions que les locations meublées, qu’elles soient conclues directement entre le loueur et le locataire, ou indirectement par l’intermédiaire d’une plateforme, sont, en règle générale, exonérées de TVA, qu’il s’agisse de locations meublées de longue durée ou de locations meublées pour de courts séjours, par exemple pour des vacances.

Dans un précédent article, nous avions commenté un jugement du 14 octobre 2022 (n° 1908305) dans lequel le tribunal de Grenoble avait estimé que ces dispositions sont incompatibles avec celles de l’article 135 de la directive n° 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée en ce qu'elles exigent nécessairement le respect d'un nombre déterminé des quatre prestations qu'elles énoncent pour établir si la prestation de location doit être soumise à la TVA ou exonérée de TVA.

Dans un avis contentieux du 5 juillet 2023 (n° 471877), le Conseil d’État a pris position dans le même sens, en indiquant que la réglementation française est incompatible avec les objectifs de la réglementation communautaire « en tant qu'[elle] subordonne la soumission à la taxe sur la valeur ajoutée des activités de mise à disposition d'un local meublé ou garni à la condition que soient proposées au moins trois des quatre prestations accessoires qu'il énumère, dans des conditions similaires à celles proposées par les établissements hôteliers. (...) Il appartient à l'administration, sous le contrôle du juge de l'impôt, d'apprécier au cas par cas si un établissement proposant une location de logements meublés, eu égard aux conditions dans lesquelles cette prestation est offerte, notamment la durée minimale du séjour et les prestations fournies en sus de l'hébergement, se trouve en situation de concurrence potentielle avec les entreprises hôtelières. »

En d’autres termes, le critère essentiel découle de l’exigence de neutralité fiscale entre opérateurs en concurrence : si l’offre de location meublée concurrence l’offre hôtelière, elle doit être soumise aux mêmes règles fiscales, donc être taxée à la TVA au taux de 10 % ; en revanche, si l’offre de location meublée ne concurrence pas l’offre hôtelière, elle peut être soumise à des règles propres, donc être exonérée de TVA. Les prestations additionnelles ou la durée de séjour deviennent de simples indices et cessent, s’agissant en tout cas des prestations additionnelles, d’être des critères de décision binaires.

A terme, il ne fait aucun doute que la réglementation française sera modifiée – mais pas pour tous : outre les prestations additionnelles, outre la durée minimale du séjour, il conviendra également d’attendre pour voir comment sera appréciée la notion d’assujetti dans ce cas ; le propriétaire qui met en location sa résidence principale pendant qu’il est lui-même en vacances sera-t-il considéré comme effectuant une activité économique entrant dans le champ d’application de la TVA ?

Mais dès à présent, tous les propriétaires qui y auraient intérêt peuvent faire valoir que leurs locations meublées auraient dû être soumises à la TVA, à condition que celles-ci puissent raisonnablement se substituer à une offre hôtelière, et demander le remboursement de la TVA qu’ils ont supportée sur leurs dépenses et qu’ils n’ont pu déduire du fait de l’exonération de TVA applicable à leurs recettes. L’on ne tranchera pas la question de savoir si ce remboursement doit être diminué ou non du montant de TVA qui aurait alors dû être collecté sur les loyers ; mais il y a au moins un cas où, quelle que soit la réponse à cette question, le gain est très probable et justifie des démarches auprès du fisc : lorsque le logement a été acquis neuf puis mis en location meublée dans des conditions concurrençant une offre hôtelière, la TVA supportée lors de l’acquisition de l’immeuble, dont le montant excède celui de la TVA qui aurait été collectée sur les loyers à percevoir, à la fois pour des raisons d’assiette et de taux (la TVA appliquée à la vente de l’immeuble est de 20 %, celle applicable aux loyers serait de 10 %), n’a pas été déduite.

Cadeau fiscal involontaire à saisir !